Sébastien LAPAQUE
Théorie de la carte postale
Actes Sud, 2014
112p, 10€
On le sait : les idées et les questions viennent en
marchant… Au début du récit, un homme flâne dans les rues du Quartier Latin et
se demande comment, parmi ses projets d’écriture – « des projets, il
n’avait que cela, des livres qu’il voulait écrire et des livres qu’il
n’écrirait jamais » – il pourrait avancer dans sa Théorie de la carte postale, un livre à « l’image encore un
peu floue. Il en possédait la mélodie, mais en cherchait l’harmonie. »
Tout au long de ce petit livre amusant, qui part dans
plusieurs directions – exemples de cartes postales retrouvées, textes réels et
textes à inventer, histoire de l’aéropostale… – il s’agit d’une réflexion en
cours, dans le but d’écrire un livre sur la carte postale… – nous suivrons le
marcheur-auteur dans ses recherches et réflexions. Qu’est-ce qu’une carte
postale ? Qu’est-ce qu’elle n’est pas ? Quelle est son utilité, ou sa
finalité ? Quelle est la poésie qui sourd d’une carte postale ?
Écrire une carte postale est-il un « acte de résistance » ?
Est-ce qu’on écrit une carte postale avec des idées ou avec « des mots,
des jolis mots de tous les jours » ? Écrire une carte postale, est-ce
un devoir ou un jeu ? Un emploi ou un passe-temps ? Quand l’écrire,
où, à qui, comment, pourquoi ? « Au verso, Chambord, la chapelle
Sixtine, le Corcovado, Guernica, la Joconde (…) ; au recto :
pain, carottes, huiles d’olive, lait, câpres, moutarde, citrons, tomates, côtes
d’agneau. »
A la fin du récit, l’auteur disposera de tous les éléments
pour commencer la rédaction de sa Théorie…
y compris, peut-être, une conclusion : « La carte postale,
c’était donc les mots alliés avec la vie. Dans l’empire de la marchandise,
c’étaient l’amour et l’amitié tracés en belles lettres avec la main, le bonheur
et la beauté racontés avec de l’encre et du papier. » L’auteur cite je
journal Ouest France, qui
écrit : « La correspondance par mail n’aura pas raison de la carte
postale. » Souhaitons-le. Et pour
maintenir tout ce qu’une carte postale véhicule (dans la relation, dans le
contenu, dans le geste, dans le choix des mots et des illustrations),
continuons de remplir ces petits cartons, n’importe où, n’importe quand. Et
faisons nôtre cette apostrophe extraite du Roman
inachevé d’Aragon : « Garçon, de quoi écrire. »
Né à Tübingen le 2 février 1971, Sébastien Lapaque est
romancier, essayiste et critique au Figaro
littéraire.