lundi 13 janvier 2020

J'ai lu "Les Vents de Vancouver" de Kenneth White

Kenneth White
Les vents de Vancouver, escales dans l’espace-temps du Pacifique Nord

Kenneth White nous a déjà emmené dans des contrées blanches et bleues, au Labrador, dans La route bleue (1983, prix Médicis). Il fait d’ailleurs un petit clin d’œil à cette route à la fin de son périple : « Mais, bon, il est temps de reprendre la route, la route sceptique, la route surnihiliste, la route bleue avec ses moments bleus, ses lumières blanches et ses lignes noires et fermes ». Cette fois c’est à l’opposé, à l’ouest du continent américain, que le voyageur et écrivain nous transporte, du côté de Vancouver, le long du Pacifique Nord et des côtes ouest du Canada et de l’Alaska.
D’abord, les lieux. White sait décrire les lieux. Ici Vancouver, avec sa litanie poétique de noms de quartiers, avec une description de la ville bruyante, en effervescence. La ville, le musée, le port et sa faune hétéroclite, le cimetière. Pour White, musarder dans un musée c’est la possibilité de « trouver une image cohérente du monde » et la lecture des inscriptions des pierres tombales lui permet de « pénétrer dans le théâtre du monde ».
Ensuite, les grands espaces. Ce « grand dehors » cher à l’auteur, comme la piste du White Pass, le Klondike Highway, le pays des Indiens tagish. Les rencontres sont nombreuses avec les habitants, ou des hommes et des femmes de passage. Les dialogues, derrière les anecdotes, sont pleins d’enseignements sur la société et la vie de tous les jours.
Enfin, White rencontre, comme toujours dans ses récits de voyages ancrés dans la réalité, des « figures du dehors » qu’il fréquente déjà ou qu’il découvre. Il est ici question de John Muir, dont White a déjà parlé (et dont il a préfacé les œuvres), d’anonymes chasseurs de phoques, d’Indiens, de Béring, de Soapy Smith, un aventurier. Ou de ce MacKenzie, voyageur, commerçant, qui parcourut ces régions, et dont le récit, loin des « aventures romantiques », écrit avec « des mots d’une extrême simplicité qui, mieux que tant de formules élaborées, sont plus proches, à mon sens, de la substance de la vraie poésie », enchante Kenneth White –  à qui cette formule s’applique très bien.
Finalement, ce récit sur la route bleue de Vancouver se rapproche aussi des Cygnes sauvages, autre récit de voyage, au Japon, à la recherche et dans l’attente de l’envol des majestueux oiseaux. Car ici aussi il y a l’attente d’une rencontre, qui sera tout aussi merveilleuse…
Un peu comme le Voyage de Vancouver, qui date de 1791, une « histoire écrite sur les vents », White raconte donc ici sa « vadrouille » et ses « escales » dans ces régions, sait nous intéresser, nous faire découvrir ce monde, les lieux, les idées, les pensées, les acteurs, sait nous apprendre, nous donner à comprendre le présent en partant de faits et d’un monde bien réels, mais aussi les cultures du passé, perdues, détruites. Pour garder « tous ses sens ouverts, ainsi que son esprit », rien de mieux que la lecture d’un récit de Kenneth White, à lire si possible au grand air.
Saluons au passage le travail des éditions Le Mot et le Reste, qui publient ce récit inédit de Kenneth White, mais aussi qui rééditent les œuvres de cet écrivain majeur, comme La route bleue ou Les cygnes sauvages ou encore La figure du dehors (2014), un « classique » qui a ouvert les yeux et les esprits de bon nombre de lecteurs.

Kenneth White. Les vents de Vancouver, escales dans l’espace-temps du Pacifique Nord
Traduction de Marie-Claude White, 176 pages, 17 €, Edition: Le Mot et le Reste, 2014.

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