samedi 6 octobre 2012

J'ai lu "Rats de marée" de Gilbert Vieillerobe



Gilbert Vieillerobe
Rats de marée
L’Harmattan 2012
Prix : 17€ - 172p

D’un côté il y a les scientifiques. L’auteur – qui réside dans les Alpes du nord – situe une partie de l’action dans l’une de ces villes qui s’est faite une spécialité de ce que l’on appelle les « technologies du futur » regroupées dans des Technoparcs : informatique, nanotechnologies et autres sciences en blouse blanche et en chambres stériles. Les scientifiques sont-ils des apprentis sorciers ? L’auteur les présente comme des personnes passionnées par leurs recherches et ne voyant que le bon côté des applications futures – quand ils en voient… Dans ce laboratoire, des aoûtas miniaturisés pourraient aller inoculer un vaccin dans une cellule cancéreuse ou renouer des cordes vocales, – « enfin, vous voyez, que des trucs sympas ». Dans cet autre labo on est sur le point d’aboutir à un « nanofil », un fil d’un milliardième de millimètre sur lequel on enfilerait des atomes comme on enfile des perles… « Génial, non ? À vrai dire on ne sait pas encore quoi en faire… Des couronnes mortuaires pour cellules cancéreuses ? Des dreadlocks pour têtes de génomes ? »

De l’autre côté il y a, on s’en doute : les « dangereux terroristes » qui, bien sûr vont chercher à détourner ces avancées scientifiques à des fins… à des fins… Le problème c’est qu’on a tout faux. Car, si les bienfaits potentiels de la science peuvent évidemment être détournés et utilisés à d’autres fins moins nobles que celles pour lesquels ils ont été conçus, ils peuvent aussi être utilisés pour d’autres raisons. Dans son roman Gilbert Vieillerobe imagine ce qui se passe quand des « terroristes » (les « Bricoleurs »…) tentent de « détourner la science et la technique » pour la « mettre au service de l’humanité ». Avec des applications… inattendues et qui vont provoquer une sacrée pagaille. Une pagaille que le Pouvoir en place ne peut évidemment pas admettre.

Face aux scientifiques et aux « terroristes », le pouvoir temporel, très temporel, est décrit avec pas mal de railleries. Mais l’auteur n’est peut-être pas si loin de la réalité. Car on voit bien que plus les « Bricoleurs » agissent – parfois avec quelques ratés… – plus les problèmes deviennent incompréhensibles, et moins les fins limiers de la République (qui se détestent, qui n’échangent évidemment pas leurs informations) ont de réponse, et plus les chefs et les ministres valsent. Impuissants. Uniquement préoccupés par le présent et leurs prébendes. Le Président est déprimé, « à demi drapé dans une robe de chambre bleue, allongé sur une bergère, il tient sa tête levée en s’appuyant sur un coude », il boit de la vodka à la santé de son « copain le Premier Ministre de Russie ». Son homme de confiance est surnommé Mazarin. Bref, Vieillerobe démontre que dans certains cas il est possible de ne rien savoir, de n’avoir aucun élément, de n’exercer aucun contrôle, et pourtant de prendre des décisions… La comédie du pouvoir.

Comme dans tout bon roman, qu’il soit d’anticipation ou pas, il y aura un grain de sable… Il y a toujours un grain de sable (et même : deux !). Mais il ne faut pas trop en dire. Sinon que si vous rentrez dans cette histoire, il est possible que vous ne puissiez pas lâcher facilement ce livre. Le sujet est passionnant, bien présenté, bien amené, le suspens est bien ficelé. L’écriture de Gilbert Vieillerobe est simple, efficace. Et l’auteur ne manque pas d’humour. Vraiment un bon livre de divertissement – entre conte philosophique et roman d’anticipation – mais aussi de réflexion sur nos sociétés « technicistes, hiérarchisées et mondialisées ». Le meilleur des mondes n’est pas encore très sûr…

Les premières lignes : « Les carrosseries offrent leurs fronts, luisants et blêmes, aux caméras de surveillance. Impossible de trouver une seule place libre sur l’immense parking de l’hypermarché. Phénomène inhabituel, le nombre de véhicules stationnant sur les bas-côtés, les voies d’accès réservées, les contre-allées, les parterres même, laisse chacun incrédule. Une affluence remarquable ! Devant les écrans, dans la salle confinée, Gustave, le chef de la sécurité, mi-allongé dans son fauteuil, un pied posé sur une chaise voisine, engouffre son quatrième pain aux raisins. »

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