jeudi 24 avril 2014

J'ai lu "Ienisseï" suivi de "Russie blanche" de Christian Garcin



Christian Garcin
Ienisseï suivi de Russie blanche
Récit
Éditions Verdier 2014
96p, 11.80€


Ça n’est pas la première fois que Christian Garcin voyage en Sibérie, ni la première fois qu’il propose des récits de ces voyages et de ses « croisière » sur un fleuve : voir par exemple le récit sur la Lena dans En descendant les fleuves – Carnets de l’Extrême-Orient russe, avec Éric Faye, (Stock 2011). Il nous propose ici deux courts textes, dont le premier, Ienisseï, est un récit qui raconte ce qu’il voit, ce qu’il entend durant la descente du fleuve Ienisseï, de Krasnoïarsk à son embouchure dans l’Arctique. Et ça commence mal : pas assez d’eau pour que le bateau, l’Alexandre Matrosov, puisse naviguer… Un moment il est même envisagé d’ouvrir les vannes d’un barrage. Il y a toujours des problèmes, en Sibérie, et il y a toujours des solutions…  Plus ou moins démesurées. La solution sera plus naturelle. Et l’on pourra partir.

Partir, longer des côtes. Accoster. Visiter les lieux, chargés d’histoires, rencontrer les habitants, plus ou moins résignés. Ici l’un de ces « villages des babouchkas », là où les hommes ont déserté, « vaincus par l’abus d’alcool ». Là, une « chanteuse dogane dans la lumière ocre du tchoum, entre odeur de chèvres et brouet de poissons de rivière. » Ailleurs, « des théories de conteneurs reconvertis en baraques de pécheurs, posées là comme des dominos de sucre roux sur une nappe claire. » Le bateau transporte des troupes d’artistes et de chanteurs qui se produisent depuis le pont lors des escales. Et quand il n’y a pas assez de fond pour s’approcher des côtes, ce sont les villageois qui viennent autour du navire sur leurs barques, pour écouter, et qui, enchantés, font demi-tour et retournent au village. Des instants probablement magiques pour tout voyageur. Magique aussi, mais pour d’autres raisons : l’arrivée à Doudinka, là où ont débarqués des milliers de prisonniers du Goulag que l’on dirigeait ensuite vers les mines de Norilsk, ville qui apparaît aujourd’hui à l’auteur « violemment jaune et tragiquement schizophrène. »

La lenteur de la navigation redonne à l’auteur le « sentiment géographie » que nous avons tous un peu perdu, et ces moments sont ressentis comme « des tentatives de restitutions de l’espace, voire de sensations (même illusoires) d’appropriation de ces mêmes espaces. » Aller doucement, prendre le temps d’écouter, de voir, de comprendre. Comme le fait Christian Garcin, qui écrit ce voyage au-delà du cercle polaire comme s’il nous parlait, là, comme ça, assis à la terrasse d’un café. Tranquillement. Comme un long voyage qui se déroule. Et le récit du voyage – la causerie à la terrasse – est agrémenté d’informations diverses, actuelles ou historiques, sur les camps, les anciennes usines, le délabrement, les risques écologiques, les coups d’éclats des Pussy Riots. D’anecdotes, de rencontres, de brefs dialogues parfois un peu surréalistes. Russie blanche est une brève évocation de la Biélorussie – qui n’est pas la Russie. Deux promenades, un peu courtes, peut-être. Il y aura sans doute d’autres livres pour approfondir. Mais ces deux récits sont déjà des invitations au voyage, à l’écoute des autres.

Né en 1959 à Marseille, Christian Garcin est l'auteur de nombreux ouvrages (romans, nouvelles, essais, carnets de voyage.), parmi lesquels Le Vol du pigeon voyageur (Gallimard, 2000), La Piste mongole (Verdier, 2009). Il. a reçu le prix Roger-Caillois en 2012 pour l'ensemble de son œuvre.
 

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