L’idée de Bernard Lyonnet est de faire avancer plusieurs personnages en même temps sur le chemin Stevenson, ce désormais célèbre chemin fréquenté par Robert-Louis Stevenson durant quelques jours de septembre 1878 avec une ânesse nommée Modestine, et relaté dans le « voyage avec un âne dans les Cévennes », l’un des plus célèbres récits de voyage. Dans Stevenson en cavale il n’y a donc pas qu’un seul promeneur, mais plusieurs personnages et autant d’histoires, mises en parallèle, jusqu’à ce qu’enfin elles se croisent.
Julien est journaliste. Il a mis le nez dans des affaires louches et qui touchent de hautes personnalités. Il pense que ça ferait un bon livre. Ce qui n’est pas l’avis de tout le monde. Du coup quelques gros bras sont lancés à ses trousses. Danger. Il faut fuir, s’absenter quelques temps, se faire oublier. Mais « pour partir, il fallait un chemin ». Iris n’a qu’un amour dans la vie : RLS. Autrement dit Robert-Louis Stevenson - « un vrai homme, il aime la vraie vie et l’aventure » - à qui elle consacre ses études. Un beau jour elle décide d’aller voir les paysages fréquentés par son illustre idole. Roger cherche quelque chose. Du temps, du contenu à sa vie, il ne semble pas très bien savoir. Un cheminement l’amène à Stevenson. Il se documente, il relit L’Île au trésor...
Un beau jour tout ce monde quitte Paris ou Lyon et, chacun avec ses raisons, se retrouve à Monestier-sur-Gazeille. Dans leurs mains ou dans les têtes, le « Voyage » et sa première phrase : « Dans une petite localité, nommée Le Monastier, sise en une agréable vallée de la montagne, à quinze milles du Puy, j’ai passé environ un mois de journées délicieuses. Le Monastier est fameux par la fabrication des dentelles, par l’ivrognerie, par la liberté des propos et les dissensions politiques sans égales. » Et bientôt ces différents personnages fréquentent le « chemin ».
Le chemin. On sait que sur un chemin de randonnée les rencontres se font plus facilement qu’ailleurs. « C’était un des mystères de la randonnée. Il était possible de sympathiser avec une inconnue et de parler rapidement avec elle de choses intimes ou essentielles. » Le chemin Stevenson est donc le lieu qui va servir de décor à l’histoire, et à son dénouement. Avec quelques rebondissements ou options qui ne manquent pas d’intérêt. Par exemple, Julien est un joli garçon qui a la particularité de ressembler… à Stevenson. Ce qui n’ira pas sans troubler Iris quand elle croisera son chemin. Les dialogues sont fréquents, vifs, les descriptions sont simples et suffisantes. Les histoires de l’époque du « Voyage » sont rapportées aux faits contemporains. Et l’histoire avance. Avec des personnages qui fuient en même temps qu’ils se cherchent.
L’auteur a ce qu’il faut d’expérience et de talent pour mener une intrigue mêlant un journaliste, des truands, des barbouzes de services plus ou moins secrets et une étudiante en littérature, une intrigue qui mêle la beauté, le voyage, l’amour, la liberté. Il ne manque pas d’humour, que ce soit pour détendre l’atmosphère, ou gratuitement. « Sa chambre donnait sur la place. En écartant le rideau, elle vérifia que la cathédrale Saint-Jean n’avait pas bougé. Elle n’avait pas bougé, ou très peu depuis le XVème siècle. » Il ne manque pas non plus de qualités poétiques. Par exemple ces couleurs. « Terre sombre et grasse striée de chaume. Terre rouge lissée par les engins agricoles. Terre jaune hérissée de chaumes. Terre ocre piquetée par le vert tendre de pousses récentes. » Quant aux lieux, à la poésie des lieux, il suffit d’égrener quelques noms : Le Bouchet-Saint-Nicolas. Pradelles. Monteil. Langogne. Le Cheylard. Labastide-Puylaurent. Notre-Dame-des-Neiges. Le Bleymard. Florac. Saint-Jean-du-Gard.
Lire ce roman permet de se plonger ou de se replonger dans l’œuvre de Stevenson. L’auteur rappelle régulièrement, dans le récit ou en introduction aux chapitres de ce « roman voyageur », quelques phrases essentielles de Stevenson. On ne peut qu’avoir envie de réviser ou de relire ce » classique ».
Enfin, l’habit ne fait pas le moine. Ni le randonneur. Ni l’écrivain. La jaquette de ce livre ne rappel ni Grasset ni Actes Sud. Peut-être un peu Gallimard… On passe pourtant un bon moment avec ce récit publié à compte d’auteur, mais qu’il doit être possible de se procurer ici ou là.
Les premières lignes : « Assis à la terrasse d’une brasserie de la place Franz Liszt, Julien, qui pourtant n’était pas en reste, se disait qu’il avait plusieurs raisons d’être satisfait ce jour-là. Il aimait l’automne parisien, sa lumière, sa fraicheur. Il venait de terminer son double espresso avec croissant, et dégustait un jus d’orange qu’il préférait nettement au jus de poire. A chacun ses goûts. » Éditions Drosera 2011.
Chroniques littéraires autour de la littérature de voyage et des écrivains voyageurs.
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