Eaux-fortes de Buenos Aires
«Si on me l’avait raconté, je ne l’aurais pas cru. C’est vrai, je ne l’aurais pas cru. Si je n’avais pas été Roberto Arlt, et si je lisais ce texte, je ne le croirais pas non plus. Et pourtant c’est vrai.»
Cette citation pourrait être en exergue des « Eaux-fortes de Buenos Aires » de Roberto Arlt.
En Argentine au début des années 30, et notamment à Buenos Aires, il fait chaud. L’être humain a du mal à travailler. Surtout l’homme. Alors c’est souvent la femme qui dirige l’atelier de repassage pendant que l’homme, dont le travail essentiel consiste à chercher du travail, le mari, qui a flairé la bonne affaire, le bon mariage, monte la garde sur le seuil, «l’aile du chapeau ombrant le visage, le torse convenablement ventilé par les trous de son marcel.»
Dans cette ville, les voleurs ne sont pas tous des voleurs, mais les boiteux sont tous « mauvais, incapables d’une bonne action », le mot fourbe est bien d’origine italienne et « la corporation des épiciers se compose en grande partie de commerçants ibériques. »
Ailleurs est expliqué comment trouver dix centimes, ces dix centimes qu’il manque toujours quand vous voulez payer un biller de théâtre à votre belle, ou quand une dame, qui s’est complu à vous jeter trois œillades, monte dans le tramway… que vous n’avez pas les moyens de prendre.
Instantanés du royaume de la rue, scènes variées et variables, hommes et femmes mêlés, sains ou fous, jeunes ou vieux, oisifs ou amoureux, riches ou fauchés (le plus souvent fauchés), c’est tout ça que Roberto Arlt décrit, écrit, raconte, dans ces «eaux-fortes», – mot choisi par l’auteur – pour ces chroniques publiées dans le journal El Mundo entre 1928 et 1933, dans une langue à la fois simple et précise, mais avec des tournures empruntées à l’argot des bas quartiers. Indispensable pour une plongée dans Buenos Aires dans les années 30, et peut-être même sur place aujourd’hui.
Les premières lignes de la première chronique: «les gosses qui naissent vieux»: «Je déambulais aujourd’hui du côté de Rivadavia, à la hauteur de Membrillar, lorsque j’ai vu au coin d’une rue un jeune aux allures de pépé, les basques de son manteau rasant ses chaussures, les mains fourrées dans les poches, le feutre cabossé et un grand pif tout pâle qui s’affalait comme de la pluie sur le menton. On aurait dit un vieux et pourtant il n’avait pas vingt ans…»
Présenté et traduit de l’espagnol (Argentine) par Antonia García Castro. Editions Asphalte 2010.
Un terrible voyage
Dès le premier chapitre on le sait : ce voyage sera «une traversée de l’horreur». Le narrateur «pressent la catastrophe» dès les premières lignes. Il faut dire qu’il s’est enfui, poursuivi par la police; qu’il est monté sur un bateau, que le personnel navigant est composé d’anciens brigands, d’un cordonnier devenu steward, d’un garçon de cabine ancien aiguilleur de voie ferrées à l’origine d’un accident de chemin de fer; et que les passager – le fils d’un lointain émir arabe, un millionnaire péruvien, son épouse et trois sœurs de celle-ci, Luciano le cousin, Mariana, une jeune fille – se jalousent, voire se haïssent. Sans compter que le Blue Star s’appelait auparavant Don Pedro II et qu’il est bien connu «qu’un bateau qui change de nom excite contre lui toutes les forces plutoniques.» L’histoire commence dans le port d’Antofagasta et le drame va se jouer dans l’océan Pacifique.
Intrigues, inquiétudes, accidents… la vie à bord de ce navire scientifique chargé d’étudier les profondeurs de l’océan n’est pas de tout repos. D’autant plus que le danger approche. «Regarde, le vent souffle et l’eau ne remue pas.» Les phénomènes physiques vont apparaitre et entrainer d’autres phénomènes, psychiques si l’on peut dire. Des épreuves devront être surmontées par les passagers. Les comportements de chacun vont se révéler. Les fous sont-ils ceux qui le disent ? Les croyants sont-ils ceux qui croient ? La maelström va-t-il tout emporter? Science? Science fiction? «Étrange naturel»? Cette nouvelle publiée en 1941 est haletante, et assurément à découvrir.
Les premières lignes: «Certain astrologue me dit un jour que le signe zodiacal sous lequel j’étais né présageait, entre autres accidents, d’effroyables périls courus en mer. Je souris doucement : je ne croyais pas à l’influence des astres. Aussi, lorsque j’entrepris mon voyage à Panama, je n’eus pas un instant l’idée que m’attendaient des aventures assez terribles pour e fournir une chronique comme celle que je livre ici. Chronique qui, s’ajoutant aux informations télégraphiées d’Honolulu par le correspondant du Times, constitue une des histoires les plus surprenantes que la Géologie ait pu souhaiter pour compléter ses études sur la dislocation des fonds du Pacifique.»
Traduit de l’espagnol (Argentine) par Lucien Mercier. Éditions Ombres. Collection Petite bibliothèque Ombres.
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