mercredi 19 janvier 2011

J'ai lu "Le Jour où Albert Einstein s'est échappé" de Joseph Bialot

« Je crois qu'à chaque moment important de la vie, tout type normal a envie de s'en aller. »

S'en aller, c'est effectivement le leitmotiv d'Einstein dans ce roman de Joseph Bialot : Le jour où Einstein d’est échappé. On ne sait pas ce que l'avenir nous réserve, mais arpenter les couloirs d'une maison de retraite avec des « vaincus » pour compagnons, ça ne semble effectivement pas un avenir très prometteur. Surtout quand on est vieux. Ou senior, pour utiliser cet euphémisme inventé par « les médias et autres marchands de perlimpinpin. » Vieux, senior... tant que les sphincters tiennent bon...

Einstein est en colère et révolté. En colère contre la famille. Il est parqué depuis plusieurs mois dans une maison de retraite par ses enfants qui n'ont pas trop envie de cette charge. Révolté par la vie. « Si je veux commettre une saloperie, je trouverai toujours un juriste pour justifier mon acte, un psy pour l'excuser et un con pour le pardonner. » Qu'est-ce qui reste ? Partir ? La liberté ? C'est quoi, la liberté ? « Être libéré des contraintes, être libéré de la culpabilité, être libéré de l'amour, ne plus avoir à aimer son prochain comme soi-même, ne plus avoir à s'aimer. Et s'en aller... Ficher le camp... Changer d'ailleurs. » Ailleurs. « Un simple adverbe, un lieu placé (...) sur la courbure de la terre et dont le point central se situe là, chez vous, dans votre tête (...) »

Le Jour où Albert Einstein s'est échappé
est le récit d'une virée. Une dernière virée. D'abord dans Paris, un Paris désert, avec un chauffeur de taxi qui se fait complice malgré lui. Avec pour commencer cette fuite en avant, des retours vers des lieux anciens, comme une sorte de pèlerinage, prétexte à des pensées sur tout, notamment sur un passé qui valait bien le présent, ou parfois, au contraire, un passé douloureux. « A la guerre, les mecs continuent leur jeu de gamins. Pigeon vole! Tu connais? Tout vole. Vroum! Boum! Ça pète, ça explose. Fumée. Caillasse. Les objets volants passent. Une tête, un bras, un flingue, des morceaux d'os, des bouts de fringues. Tu t'habilles de sang, de poussière et de cris. »
Le voyage se poursuit vers la côte, le bord de mer. Là, des rencontres entraînent Albert vers le dénouement. Les enfants, d'abord, qui tentent de rattraper le fugitif, de le faire revenir à sa condition de prisonnier. Paula, enfin et surtout, la femme, la seule femme « à m'avoir entraîné au-delà. » Celle qui trouvera la solution, la clé de cet ultime voyage. Car voyager, à la fin, ça sert au moins à se retrouver. A se reconnaître, à recoller les morceaux avant le grand saut, à balancer « les mille tonnes que je traîne avec moi, l'immense baluchon qui m'a poussé à tracer la route aujourd'hui. »

Les premières lignes

« Je veux m'en aller...
Je ne dors plus. Immobile, je garde les yeux clos avec, dans ma tête, toujours ces mêmes mots pour inaugurer ma journée. La première phrase d'un livre, l'incipit de mon existence quotidienne toujours recommencée.
Je veux m'en aller...
Couché en chien de fusil dans un lit étroit, j'ouvre un œil. La lumière me fait replonger dans mon rêve éveillé et, en écho, je reçois le grincement du sommier lorsque je pivote sur le côté.
C'est reparti pour un jour avec, en perspective, des heures molles passées à traîner avec moi la tonne de mélancolie qui me taraude.
Est-ce le ciel d'automne, qui bétonne de gris sale la ville tout entière, ou mon blues permanent qui m'a poussé à franchir le Rubicon ? Je ne le saurai jamais, mais cette fois il n'y aura plus de "Demain, je pars !", non, plus de solution dilatoire, c'est aujourd'hui ou jamais.
Je m'en vais ! »
Éditions Metailié 2008.

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