
Le premier texte de ce recueil de John Berger nos entraîne à Lisbonne. Il nous parle de la ville, et de sa mère qui, bien que morte depuis longtemps, « comme les autres piétons qui remontaient la ruelle étroite, s’aplatit contre une devanture pour laisser passer le tram, tandis que celui-ci faisait tinter sa clochette. » Autre rencontre, autres souvenirs : Borges à Genève, ville carrefour des voyageurs, la preuve en étant que la Poste « fut conçue pour en imposer autant que sa cathédrale » ; ville qui n’a guère inspiré les peintres, et que John Berger décrit comme de nationalité neutre, de sexe féminin, d’âge « plus jeune qu’elle ne l’est en vérité » et de signes particuliers « légèrement voûtée en raison de sa myopie. » Ces deux textes sont absolument magnifiques.
Le voyage dans le temps et dans l’espace se poursuit à Cracovie avec Kern, le passeur, « l’homme qui m’a transmis tout ce qu’il savait, celui avec qui j’ai appris à traverser les frontières » ; puis à Islington, un quartier de Londres ; puis en Ardèche, là où John Berger visite la grotte Chauvet et décrit cette visite comme un voyage à l’intérieur d’un corps : « la roche calcaire a une teinte d’os ou de tripes. » Les descriptions sont poétiques, imagées, mais précise. « Les murs sont d’un jaune blanchâtre : pas celui que les fabricants de peinture vendent sous l’appellation ivoire, mais véritablement celui des défenses d’éléphant – très proche de la teinte défraîchie des vieilles dents humaines. »
Dans ce livre – pas si loin que cela du récit de voyage – Berger parle de lieux et de personnes, de personnes importantes, de ces « vies qui pénètrent les nôtres. » Et si l’une des convictions de l’auteur est que l’ « on apprend à vivre – ou on essaie d’apprendre à vivre – en s’aidant des livres », des livres comme D’ici là se situent bien au-delà des modes, et sont justement de ceux qui peuvent participer à l’éducation de tout un chacun, pourvu qu’il soit amateur de littérature.
Les premières lignes : « Au milieu d’une place de Lisboa, il y a un arbre qu’on appelle cyprès lusitanien. Ses branches, au lieu de pointer vers le ciel, partent vers l’extérieur, à l’horizontale, formant un parapluie géant, impénétrable, très bas, d’un diamètre de vingt mètres. Une bonne centaine de personnes pourraient s’y abriter. » Éditions de l’Olivier 2005.
Un portrait de l'auteur ici
http://livres.fluctuat.net/john-berger.html
ou ici en anglais
http://www.johnberger.org/home.htm
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