vendredi 14 janvier 2011

J'ai lu "New York fantasy" d'Olivier Jacquemond

Certains vont à New York pour concrétiser leurs rêves, d’autres pour s’inventer des rêves qu’ils n’ont pas. Eric abandonne ses cintres dans son placard parisien et part à New York. Il quitte une époque grise, un monde gris, des projets gris, une amie et des parents, pour aller voir ailleurs, pour se « défaire de son histoire », pour tenter de « traverser agréablement la vie ». A New York. Pas évident dans cette ville ou tout semble sonner faux, ou chacun « colle à un cliché », ou les relations sont « éphémères et dictées par l’intérêt pratique ». A New York il devient Tom. C’est mieux d’avoir un nom court, pas compliqué. Il fait la plonge dans un bar. Il étudie les mœurs locales. Dont les dates, ces rendez-vous galants tellement codifiés qu’ils en deviennent « froids, impersonnels et dépourvus de sensualité. »

New York endroit magique ? Le Lower East Side, Harlem la fière. « Les gratte-ciel (la fameuse sky line) m’enchantaient tant ils constituaient moins une ode à la modernité, à la réussite capitaliste, qu’une célébration du bleu déchiré du ciel. » Plus loin, les tours du WTC, ou plutôt : leur absence.

Comment faire, dans un monde factice, déshumanisé, dans une ville peuplée de spectres, de spectres d’infortune, de fantôme, où la roue tourne si vite, dans laquelle il est si facile de sombrer sans que personne ne s’en aperçoive, de mourir ? New York « était en train de me rendre dur, imperméables aux misères de mes prochains. »

Jacquemond propose une plongée dans un New York des années 2000, une tranche de vie autour d’un bar, d’un journaliste critique de rock et de quelques autres relations. Faune branchée, faune fauchée, étudiants. Des hommes et des femmes qui cherchent. Qui se cherchent. Dylan, Cohen, Lou Reed comme fantômes

« Kerouac disait qu’on finissait fatalement par rentrer chez soi, et que ce qu’il fallait retenir, en définitive, c’était le nombre de tours réalisés entre son départ et le retour programmé. Ainsi l’individu avait beau essayer de fuir, il ne sortait jamais du cercle. » Que faut-il en penser, se demande Eric / Tom ? Quelles questions se poser, sur ce départ, sur ce père qui vient de mourir, sur Louise, qui a déjà retrouvé un fiancé, sur ce qui fait que tout ça tient ensemble, ou au contraire se délite, s’efface ?

Ce récit est également une recherche, et enfin une rencontre avec le père, un « être extrêmement pudique » qui s’était coupé de la relation avec ses enfants. Eric / Tom apprendra à le connaître. En passant par la musique et les chansons de Leonard Cohen, qui invite à faire sa propre révolution intérieure.

Un bon petit roman sur New York, sur la vie, l’attente, la filiation, la transmission, avec beaucoup de sons, de musique. Un style simple, fluide, propre, agréable à lire.

Les premières lignes : « J’ai quitté Paris en 2003, le 4 août. J’ai quitté le début du vingtième siècle pour entrer de plein pied dans la seconde moitié du vingtième siècle. Et qu’importe si nous sommes entré dans le troisième millénaire, j’ai quitté Picasso, Verlaine, Valéry pour rencontrer les fantômes de Basquiat, Warhol, Ginsberg et Lou Reed ,et me laisser posséder par leur légende. J’ai troqué des noms de rue contre des numéros d’avenues, des bistrots contre des Starbucks Coffee, Bagatelle contre Central Park, le 17 pour le 911. J’ai quitté Paris afin de suspendre un avenir bien engagé sur son contre, et le coincer au fond d’une penderie, à l’abri de la lumière et de la poussière, quelque part entre mes rêves et mes regrets. A moins que je n’aie quitté Paris afin de prendre cet avenir de vitesse, de lui faire tourner la tête et perdre la raison.» Mercure de France 2009

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.

J'ai lu "Les Vents de Vancouver" de Kenneth White

Kenneth White Les vents de Vancouver, escales dans l’espace-temps du Pacifique Nord Kenneth White nous a déjà emmené dans des contrées ...