A celles et ceux qui seraient rebutés par les réflexions un peu alambiquées de Vila-Matas dans Paris ne finit jamais, voici le Guide triste de Paris, d’Alfredo Bryce -Echenique. Beaucoup plus simple, terre à terre, romantique, mais tout aussi poétique et littéraire. « Il y a des guides pratiques, des bons, des mauvais, mais que je sache il n’y a pas de guides tristes, et encore moins de Paris. » De quoi s’agit-il ? Qu’est-ce que ce guide triste ? Paris, triste ?
Ce recueil est composé de quatorze histoires. Des histories, des tranches de vie, des moments vécus – à moins qu’ils ne soient sortis de l’imaginaire, avec un naturel parfait – dans le Paris des années 70, les années du premier séjour de l’écrivain péruvien. Quelques unes de ces histoires sont des chroniques de voyage écrites pour des journaux, et dans lesquelles, écrit l’auteur, « l’imagination finit manifestement pas faire des siennes et par donner un poids fondamentalement littéraire à ce qui, à l’origine, devait être, avant tout, du journalisme. »
Ces histoires racontent donc les tribulations d’un péruvien à Paris, le narrateur et ses personnages. On suivra par exemple « un vrai rouquin (…) si grand et si roux et si costaud qu’il n’avait pratiquement pas l’air d’un Latino-américain mais d’un acteur d’Hollywood type année 50 », ou un autre personnage, moins grand, plus anonyme, un riche ou un moins fortunés, des amis, des amants, des hommes et des femmes, la faune de la bohême, mode de vie typiquement parisien, avec la faim au ventre, les chats (noirs si possible), les livres, mais aussi les filles, les cafés. Le sport favori des ces jeunes hommes étrangers semble être la drague. « Tel était Luis Antonio Vera, Verita pour ses amis et Baguette magique pour ses amies. Je le revois encore, fonçant à moto à travers tout Paris avec une fille sur le siège arrière. Et une fille différente chaque jour. »
On est dans les années 70, tout semble permis, possible. Mais, quand on est étranger, immigré, différent, les rencontres – à part pour Verita – sont aussi difficiles en 70 qu’en d’autres temps.
Quatorze histoires à déguster sur un banc du jardin du Luxembourg, par exemple. « Et je continuai ma promenade dans ce Quartier Latin peuplé de Latino-américains, où déjà on lisait un Miguel Angel Asturias, un Julio Cortázar, un Mario Vargas Llosa. Et où tous les Latino-américains étaient de gauche. Oui, ils étaient tous de gauche. Jusqu’à ceux de droite en vacances qui l’étaient. Tous, absolument tous étaient de gauche dans ce quartier encore étudiant à l’époque où je continuai ma promenade en fredonnant une chanson qui, quelques années plus tôt, avait je crois fait le tour du monde :
Pauvres pauvres Parisiens,
Ils ont vraiment une vie de chien… »
Les premières lignes de « Le père de Remigio González lui avait dit, quand il lui avait fait ses adieux, là-bas, dans sa Lima natale, de ne pas faire de bêtises à Paris, de tirer un énorme profit de sa bourse pour étudier le coopératisme et, surtout, attention, hein, vraiment, attention à ne pas chopper de gonorrhée en hiver. » Traduit de l’espagnol (Pérou) par Jean-Marie Saint-Lu. Editions Métailié 2003
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