Enrique Vila-Matas a séjourné à Paris au milieu des années 70. C'est ce séjour qu'il raconte dans ce livre : Paris ne finit jamais. Il écrit qu'il a été « très pauvre et très malheureux » alors qu'il souhaitait surtout mener « une vie d'écrivain » comme celle que Hemingway raconte dans Paris est une fête : « il n'y a jamais de fin à Paris et le souvenir qu'en gardent tous ceux qui y ont vécu diffère d'une personne à l'autre... Paris valait toujours la peine, et vous receviez toujours quelque chose en retour de ce que vous donniez. Mais tel était le Paris de notre jeunesse, au temps où nous étions très pauvres et très heureux. »
Soit une ville : Paris. Un but : la littérature. Pas d'argent – le père y pourvoit momentanément – pas d'amis. Mais la chance. Les personnages croisés sont tout d'abord Marguerite Duras, sa logeuse. C'est en effet dans une mansarde louée par l'écrivaine que Vila-Matas séjourne à Paris et écrit. Perec, Queneau et d'autres sont dans les parages, se retrouvent dans les soirées, animent les causeries. A défaut, à Paris, l'inspiration est partout. « J'aime m'asseoir aux terrasses des cafés de Paris, et j'aime aussi beaucoup marcher dans cette ville, marcher parfois tout l'après-midi, sans but précis, toutefois pas non plus à proprement parler au hasard ou à l'aventure, mais en essayant de me laisser porter. »
On croisera ainsi, au fil des marches dans les rues, au fil des digressions, Bryce Echenique, qui écrira plus tard Guide triste de Paris ; Barthes, Sollers et Kristeva, qui partent puis rentrent de Chine. Au Flore les clients se divisent en trois catégories : « les écrivains exilés, les écrivains français et la clientèle bariolée et plutôt extravagante, étrangère au monde de la littérature, mais pas à la bizarrerie. Peut-être jamais depuis, en aucun autre lieu au mode, n'ai-je vu autant d'excentricité rassemblée qu'à cet endroit-là. »
Paris. Paris qui ne finit jamais. Mais ce récit de Vila-Matas n'est pas seulement consacré au séjour à Paris d'un point de vue géographique; il s'agit aussi - et surtout - d'un livre sur la création littéraire et ses affres. Le futur écrivain est jeune mais lucide. « Je crois que, en ce temps-là, je tournais le dos au monde, à tout le monde. Sans lecteurs, sans idées concrètes sur l'amour ou sur la mort et, comme si c'était trop peu, écrivain pédant qui cachait mal sa fragilité de débutant, j'étais une horreur ambulante. »
Vila-Matas retournera à Paris. Et comme Hemingway, il s'en souviendra le restant de ses jours. « Tout finit sauf Paris, qui ne finit jamais, m'accompagne toujours, me poursuit, représente ma jeunesse. Où que j'aille, Paris voyage avec moi, est une fête qui m'emboîte le pas. Cet été peut maintenant finir, en effet il finira. Le monde peut sombrer, en effet il sombrera. Mais ma jeunesse, mais Paris ne doivent jamais finir. » Une petite citation du « bohème Bouvier » termine ce récit, pour les amoureux de Paris, et pour les amoureux de la littérature.
Les premières lignes: « Je suis allé à Key West, Floride, et je le suis inscrit à l'édition de cette année du traditionnel concours de doubles de l'écrivain Ernest Hemingway. La compétition avait lieu au Sloppy Joe's, le bar préféré de l'écrivain quand il vivait à Cayo Huesco, à l'extrême sud de la Floride. Inutile de dire que se présenter à ce concours - bourré d'hommes robustes, entre deux âges et à la barbe blanche et fournie, tous identiques à Hemingway, y compris dans la dimension la plus sotte du personnage - est une expérience unique. » Traduit de l'espagnol par André Gabastou. Editions Christian Bourgois 2004.
Né à Barcelone en 1948, Enrique VILA-MATAS est l'un des écrivains espagnols les plus originaux de sa génération.
Citation. «Le passé, disait Proust, non seulement n'est pas fugace mais, en plus, il ne change pas de place. Même chose pour Paris, qui n'est jamais parti en voyage. Et comme si c'était trop peu, Paris est interminable et ne finit jamais.»
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